Individualiser le parcours scolaire de chaque élève — Institution Notre-Dame de Poissy

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Individualiser le parcours scolaire de chaque élève

Facile avec les badges de compétences. Par Aude Dubois, professeure de français

Les nouveaux programmes scolaires incitent à l’individualisation des parcours, afin que pour chaque élève puisse bénéficier de soutien adapté à ses besoins propres, mais que soient aussi développées ses richesses et ses compétences bien maitrisées, grâce, notamment, à un accompagnement personnalisé. Le potentiel de chacun doit ainsi pouvoir s’épanouir au mieux des capacités individuelles, qui seront révélées grâce à la valorisation de l’évaluation par compétences.

Ces nobles objectifs - dont on perçoit combien il peut être compliqué de les mettre en pratique dans des classes de trente élèves -, rejoignent plusieurs de mes préoccupations professionnelles propres : évaluer en cours d’activité, et non plus seulement lors des évaluations formelles ; réduire l’importance de la compétition entre élèves au profit du développement du défi envers soi-même et du goût de l’effort ; provoquer la dévolution, qui consiste à redonner, le plus souvent possible, le choix à l’élève afin de lui permettre de décider et de construire son propre parcours scolaire ; développer l’enthousiasme et l’esprit d’initiative… Autant d’objectifs désirables mais difficiles à conjuguer et à concrétiser.

C’est pour répondre de la manière la plus opératoire possible à l’ensemble de ces enjeux que je me suis interrogée pendant deux ans sur les badges de compétences, déjà utilisés dans des écoles primaires comme dans des entreprises, afin de valoriser les acquis scolaires ou professionnels. Il s’agit, à l’inspiration des ceintures de couleurs au judo, de révéler la maitrise d’une compétence grâce à l’obtention de badges de différentes couleurs qui formalisent le passage d’un degré de maitrise à un autre. Voici le fonctionnement de ce système enfin exploité cette année dans mes classes de français de cycle 4 (5è, 4è et 3è).

À chaque compétence qui doit être évaluée en oral, écriture, lecture, langue, ainsi que de manière transversale en Éducation aux Médias et à l’Information, Morale et Civique, et Artistique et Culturelle, est attribué un badge, qui se décline en quatre couleurs, ou quatre degré de maitrise : rouge pour le degré un, le plus fragile, puis orange en degré deux, bleu pour le trois et enfin vert lorsque la compétence est considérée comme maitrisée.

Ces badges fonctionnent selon trois niveaux d’importance : les badges-étapes sont octroyés au fil des activités de la classe, pour permettre à l’élève et à l’enseignante d’évaluer le degré de maitrise à un moment précis, mais sans que ce badge ne soit enregistré ni retenu. Ils permettent donc, sans stress, de savoir sur quel aspect renforcer ses efforts pour progresser, avant même une quelconque évaluation ou notation. Il s’agit donc d’une évaluation de niveau pour aider à orienter efficacement le travail personnel. Les badges-lauriers, ensuite, sont les badges qui sont collectionnés, « chassés » (à la manière de la chasse aux Pokémons !) par les élèves durant les activités évaluées : pour chaque compétence, l’élève doit collectionner au moins 5 badges pour des activités différentes. Lorsqu’ils ont accumulé ces 5 badges-lauriers, ils peuvent prétendre au badge-maitrise de la compétence dont le niveau correspondra à la moyenne des badges-lauriers obtenus. En effet, chacun des quatre degrés de maitrise permet d’obtenir une note pour sa catégorie. J’inclus alors la note du badge-maitrise obtenu, soit 5, 10, 15 ou 20 selon la couleur du badge, en coefficient 2 à la moyenne des autres notes. Grâce à ce fonctionnement, si un élève a obtenu les 5 badges-lauriers mais que la moyenne des 5 ne le satisfait pas, il peut alors patienter avant de demander son badge-maitrise correspondant, afin de tenter d’améliorer son degré de maitrise en « chassant » d’autres badges pour la même compétence, dans différentes activités. Cela lui permet de contrôler son parcours de travail et de décider comment et quand agir sur ses apprentissages.

Bien sûr, des tableaux de collection sont distribués aux élèves afin qu’ils puissent avoir une vue en temps réel des badges-lauriers et des badges-maitrise obtenus. De même, je garde une trace précise, au jour le jour, dans une application que j’ai spécialement formatée à cet effet dans mon iPad.

On le comprend, ce système dans lequel l’élève peut choisir de « chasser » des badges au fil des activités ne peut fonctionner que si des activités variées (et les badges-lauriers qui leur correspondent) lui sont proposées au choix, dans des temps définis, afin d’expérimenter ses apprentissages. Et c’est le ciment de ce système : à chaque début de séquence est distribué un tableau programmatique des activités proposées durant les heures à venir. Celles-ci peuvent être obligatoires ou optionnelles, à réaliser seul ou en groupe, dans le temps ordinaire du cours ou lors d’heures balisées à cette fin. Les élèves peuvent même proposer eux-mêmes des activités en lien avec la séquence s’ils le souhaitent, exerçant pleinement leur esprit d’initiative et leur créativité. Ainsi, chaque élève peut reprendre en main son parcours scolaire, le piloter en s’inscrivant aux activités optionnelles de son choix, grâce auxquelles il gagnera des badges qui s’additionneront à ceux obtenus durant les activités obligatoires. Une vraie individualisation des parcours, avec une valorisation réelle des volontaires dont l’engagement est dès lors fortement mis en valeur. De plus, obtenir plusieurs badges-maitrise assure également une forte valorisation de la moyenne.

Mon bilan après cette première année est sans nuance : ce système a transformé en profondeur mon enseignement, en ce qu’il me permet de mieux piloter mes séquences grâce à une visibilité accrue des degrés de maitrise de chaque élève, et ce, avant même les évaluations ! Mais plus encore, il a amené nombre d’élèves à s’investir de manière volontaire, voire même activement engagée, dans les apprentissages, et à révéler des richesses individuelles inattendues, qui ont enrichi toute la classe.

Ainsi Théophane, élève particulièrement travailleur et volontaire de 3ème, a-t-il pu gagner cinq badges-maitrise vert en un seul trimestre, lui permettant d’ajouter cinq 20 en coefficient 2 à sa moyenne !

De même Noé, en 5ème, a-t-il demandé à présenter deux fois sa récitation en essai de badge-étape afin d’évaluer ses compétences sur cette activité, d’établir son auto-évaluation grâce à l’accompagnement personnalisé que je propose à la fin, avant de choisir de tenter le badge-laurier, en devançant toujours la date prévue pour l’évaluation de récitation. Il s’est ainsi non seulement rendu service puisqu’il est passé d’un premier niveau bleu en badge-étape à un niveau vert, avant de conquérir son badge-laurier vert, et ce, en début d’année ; mais il a également permis au reste de la classe de comprendre les exigences de l’exercice pour mieux réussir cette récitation sans passer par les badges-étape. Cette première récitation, que j’ai déjà donnée les deux années précédentes, s’est révélée bien plus réussie cette fois, les prestations ont été mieux maitrisées.

Un système déjà opératoire, donc, qui répond avec bonheur au cahier des charges initiales, et qui suscite mon enthousiasme pour les années à venir…